Le prix de l’inconséquence

Article : Le prix de l’inconséquence
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29 septembre 2019

Le prix de l’inconséquence

Des maisons vieillottes, laissant trôner fièrement à la face du monde ce qui, dans des circonstances normales, passerait pour une dépense superflue et inappropriée : une petite parabole

Cette petite parabole c’est, chaque mois, l’obligation de débourser cinq mille francs CFA pour le bouquet numérique le plus abordable. Si cet effort est fait sur un an, c’est soixante mille francs CFA sortis.

 

Pour avoir une idée de ce que peut une pareille somme au Cameroun, concevez que soixante mille francs CFA représentent :
Une pension scolaire complète, et quelques fournitures dans une école primaire ordinaire ;
La totalité des frais universitaires dans une université d’état avec un reliquat de dix mille francs…
La liste des usages possibles d’une telle somme est sans fin.

Pourtant quelqu’un, dans ces maisons aux murs décrépits et aux toitures usées, a pensé qu’il valait mieux investir une pareille somme dans l’achat d’un bouquet numérique. Ajoutez-y des dépenses ponctuelles comme les frais d’installation, le recours à un technicien en cas de panne ou l’envie de monter en gamme parmi les offres offertes, même l’espace d’un seul mois. Les frais augmentent. Tant d’argent pour, somme toute, du divertissement puisqu’au final, il ne s’agit que de cela pour l’essentiel : se gaver de fictions et de musique.

Ceci est révélateur de deux choses au moins dans la société camerounaise : une

mauvaise hiérarchisation des besoins et l’absence de projection. Attitudes plus que toutes autres faisant le lit de cette pauvreté qui est devenue tout à la fois une épidémie (elle touche un grand nombre de personnes et se propage), une pandémie (elle touche un grand nombre de personnes dans tout le pays), et une endémie (elle existe de façon permanente dans le pays).

Bien sûr, tout est relatif !

La notion de priorité varie d’une personne à l’autre. De plus, nul n’est tenu de sacrifier les plaisirs d’un présent certain à un meilleur avenir hypothétique.

Cependant, le quotidien de certaines existences, et le crépuscule de certaines autres, font admirer de pathétiques tableaux de sombre indigence qui font constater que trois règles d’or sont oubliées ou inconnues de beaucoup :

Pouvoir distinguer entre le nécessaire et le superflu. S’accommoder uniquement du premier, et négliger le second lorsque les revenus pour faire autrement sont insuffisants ;

Demain se prépare aujourd’hui, et ce demain-là arrive bien souvent assez tôt ;

La vie n’est pas une succession de parenthèses fermées. La vie est plutôt comparable à un fil tendu à l’intérieur d’une seule parenthèse. Les choix d’aujourd’hui sont des impulsions faits à un point quelconque de ce fil. La force ou non mise détermine la puissance et la durée de l’onde se propageant tout son long.

Ignorer ces règles, c’est courir le risque de devoir payer un jour le prix de l’inconséquence.

Pas besoin de creuser dans l’histoire pour éprouver la véracité de cette conclusion.

L’actualité est là pour nous édifier.

Le triste spectacle des appels à l’aide des artistes hors circuit devenus nécessiteux, la déchéance des « anciennes gloires sportives » ne devant plus leur survie qu’à la générosité publique, et la pitoyable rengaine plaintive de tous ces anciens actifs , plus ou moins prospères durant leurs beaux jours, ruant dans les bras de dame misère à la fin de leur vie sont la conséquence de l’inconséquence.

Ce qui est vrai des hommes, l’est des communautés et des états.

TARA

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