4 juin 2019

Film chinois à l’ancienne

 

Il y a quelques années, au carrefour Mvog-mbi, il existait une salle de cinéma : cinéma La Mefou.

Ceux qui ont connu cette salle vers la fin des années 1970, et au début de la décennie suivante savent une chose : les films chinois et ceux dits hindous – on ne parlait pas encore de Bollywood – constituaient l’essentiel des projections.

De cette époque glorieuse, beaucoup de souvenirs.

Deux faits passaient pour des traditions bien ancrées. Le film de 15h, du lundi au vendredi était toujours un film hindou ; chaque dimanche matin, une projection était programmée à 8h45. Le prix : 105 frs CFA !

Pourquoi 105 frs CFA ? Aucune idée. Par ailleurs l’air du temps d’alors n’avait rien de comparable à aujourd’hui. On ne voyait pas encore le diable et le mal partout. De nos jours, certainement, pas mal « d’illuminés » trouveraient qu’il y a anguille sous roche avec ces 5 frs CFA exigés en plus de la pièce de 100 frs.

Ces fameuses séances de 8h45 le dimanche matin donnaient lieu à des scènes cocasses. Quelquefois, un parent, souvent la mère, faisait irruption dans la salle pour retrouver son enfant, toujours un garçon. Le garnement ayant délaissé ses obligations religieuses pour venir s’en mettre plein la vue dans ce temple impie.

Bien sûr ! les films chinois étaient régulièrement à l’honneur à 8h45.

Le fil conducteur de l’intrigue de ces films, à quelques variantes près, était toujours le même.

Quelqu’un tuait un autre au début. Un parent à ce dernier, souvent le fils ou le frère, venait demander réparation, et le meurtrier lui administrait une bonne correction. Convaincu de sa faiblesse, le « corrigé » se lançait dans une quête : celle de la force physique. Au cours de ses tribulations, il faisait la rencontre d’un personnage un brin énigmatique mais versé dans la pratique des arts martiaux au plus haut niveau. Magnanime, débonnaire et désintéressé, il acceptait de l’initier. Devenu fort et conscient de cela, il rentrait affronter le meurtrier. Cette confrontation, la dernière du film, le voyait triompher de lui grâce à une astuce connue de lui, et de lui seul.

Ces films auraient été routiniers, fades même sans deux ingrédients savamment accommodés à chacun.

Le premier était cet écervelé, ce naïf ou niais qui avait la particularité d’avoir la déveine rivée à lui comme une seconde peau. Il recevait toutes les tuiles, ou occasionnait les situations les plus loufoques faisant rire tous les spectateurs.

L’ancien cinéma La Mefou transformé en commerces. Mvog-mbi (Yaoundé, Cameroun).

Le second, cette scène que certains situaient inconsciemment au milieu de la séance, identique en tous points à l’affiche placardée au-dehors. Alors la salle, à l’unisson, comme une ode au dieu impie en son temple, criait « affiiiiiiche ! »

Les applaudissements suivaient.

Avec la simplicité et la candeur des enfants, beaucoup sinon tous ont eu une vision réductrice des films chinois.

Le meurtrier du début était le chef bandit. Affectueusement appelé chef ban… Le « corrigé » de l’entame du film, l’acteur. Le personnage un brin énigmatique, le maître ou le grand maître. La confrontation finale, le dernier combat. L’astuce donnant la victoire à l’acteur, le dernier secret.

L’écervelé, le naïf ou niais, le « zam-zam ».

Ceux qui ont connu ce bon vieux temps et qui ont de la mémoire. Mais aussi ceux qui viennent de lire ce qui est écrit plus haut. Ils pourraient tous convenir que le Cameroun d’aujourd’hui est un film chinois à l’ancienne à ciel ouvert.

En fonction de l’opinion que l’on se fait de ci ou de ça, ou peut-être de son bord politique voire son non-alignement, chacun peut, en regardant le grand cirque vaudevillesque camerounais qui se passe sous nos yeux, trouver son chef ban…, son acteur et son grand maître.

Quand aura lieu le dernier combat ? Peut-être a-t-il déjà commencé ? Il peut se faire son opinion.

Quelle forme va revêtir le dernier secret qui donnera la victoire à l’acteur ? Sera-ce la Communauté internationale avec ses très puissants porte-étendards : les USA et l’UE ? Le soutien de la Russie et de la Chine ? Sera-ce une gigantesque marche des partisans du « chassement » où des millions de camerounais envahiront la rue balayant tout au passage, le pouvoir actuel avec. Peut-être sera-ce autre chose ?

Et les « zam-zams » alors ? car ils sont très nombreux. Errer sur les réseaux sociaux, affalez-vous devant la télé ou scotchez vos oreilles aux postes de radio, vous les reconnaîtrez.

Ce film aura bien une fin !

Espérons un happy-end mais soyons préparés au pire.

Donc, patience !

TARA

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